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Métrologie
des Pressions
Deux lois de la physique et de
la mécanique définissent les deux systèmes fondamentaux de mesure de
pression. [3]
L’une découle directement de la définition d’une pression et est utilisée pour le calcul d’une pression à l’aide d’une balance manométrique :
L’autre est utilisée pour le calcul d’une pression à l’aide d’une colonne de liquide :
La pression est équilibrée par
le poids d’une colonne de liquide de hauteur h soumis à l’accélération de
la pesanteur g et dont le liquide a une masse volumique
.
Ces deux systèmes fondamentaux constituent les étalons primaires : leurs paramètres peuvent être déterminés à partir de grandeurs métrologiques de base et constituent donc toute la base de la métrologie des pressions.
1.1.
Les
balances manométriques : principe de fonctionnement
Les balances manométriques appliquent donc la loi de la physique suivante :
Elles sont constituées d’un
ensemble piston-cylindre et d’une série de masse. L’ensemble
piston-cylindre constitue la section (S), la série de masse, la force (F).
Schéma de principe de fonctionnement d’une balance manométrique
Balance manométrique Desgranges & Huot
Le piston est vertical et coulisse librement dans le cylindre. La force générée par la pression sur la surface du piston est équilibrée par la masse posée sur la tête du piston et soumise à l’accélération de la pesanteur.
La partie inférieure du piston est immergée dans un fluide qui peut être liquide ou gazeux ; les balances manométriques permettent de mesurer des pressions hydrauliques ou pneumatiques.
La
partie supérieure comportant la charge est immergée dans l’air pour des
mesures de pression relative ou placée sous vide pour des mesures de pression
absolue.
La masse M et la section S étalonnées, la pression générée par la balance est donc connue lors de l’équilibre du piston dans le cylindre. En branchant un instrument à étalonner ou à vérifier à la balance, la comparaison entre la pression générée et l’indication de l’instrument est directe.
1.2.
Matériel
au laboratoire
Le
laboratoire dispose de 3 balances manométriques de type 5200 ayant de l’azote
comme fluide d’utilisation.
Chaque balance est dédiée à une plage de mesure :
v 0,2 bar à 40 bar avec deux couples pistons-cylindres 1 bar/kg
v 2 bar à 400 bar avec deux couples pistons-cylindres 10 bar/kg
v 4 bar à 800 bar avec deux couples pistons-cylindres 20 bar/kg
Le laboratoire dispose de deux couples pistons-cylindres dans chaque gamme pour pallier le délai d’étalonnage très important lors de l’envoi d’un en métropole pour son raccordement.
Dans ce rapport ne sera traité que le calcul d’incertitude pour un piston-cylindre. Le calcul d’incertitude pour les 5 autres sera automatisé avec l’utilisation de logiciels développés sur Excel.
1.3.
Définition
mathématique de la mesure
La
performance d’un ensemble piston-cylindre dépend avant tout de la géométrie
des pièces constitutives (bonne cylindricité du piston et du cylindre, faible
jeu entre les deux éléments) mais également des termes pris en compte pour
corriger la pression lue.
Si l’on reprend la définition
de la pression :
, l’exactitude de la pression dépendra de la bonne connaissance de la force F
et de la section S.
1.3.1.
Détermination de la force
La force est exercée par une masse soumise à l’accélération de la pesanteur. Elle s’écrit :
g est l’accélération de la pesanteur sur le lieu de d’utilisation, Ma la masse apparente des masses posées sur le piston. Dans le cas d’une mesure de pression relative, les masses ne sont pas sous vide et donc soumises à la poussée de l’air. L’expression devient :
M étant la masse absolue, ra la masse volumique de l’air ambiant et rM la masse volumique des masses posées sur le piston.
1.3.2.
Détermination de la section effective
du piston cylindre
La section effective de l’ensemble piston-cylindre est fonction de la température (dilatation du matériau constituant le piston et le cylindre) et de la pression (déformation mécanique des pièces).
L’expression de la section effective s’écrit :
S0 est la section effective de l’ensemble piston-cylindre à pression nulle et à 20 °C. Il existe différentes méthodes pour la déterminer :
- par mesure dimensionnelle dans le cas des gros diamètres
- par mesure dimensionnelle associée à une mesure d’écoulement
-
par contrôle en pression par
comparaison à un ensemble piston-cylindre connu (notre cas – envoi en étalonnage
périodiquement chez le constructeur).
est le terme de correction en température. ap
et ac
sont les coefficients de dilatation linéaire du piston et du cylindre. t est la
température de l’élément de mesure.
est le terme de correction de la déformation du piston-cylindre en fonction de
la pression. l
est appelé le coefficient de déformation du piston-cylindre avec la pression.
1.3.3.
Détermination de la correction due à
la colonne de fluide
L’instrument à contrôler est monté sur la balance à une hauteur différente de la hauteur de la partie inférieure du piston (pression référence). Une correction de colonne de fluide doit être prise en compte. Elle s’écrit suivant la formule suivante :
rg est la masse volumique du fluide, h est la différence de hauteur entre l’instrument sous test et la balance manométrique.
1.3.4.
Expression générale
L’expression générale de la pression en utilisant une balance manométrique gaz est donc :
Suivant la précision recherchée, il faudra tenir compte d’un certain nombre de ces paramètres.
1.4.
Conditions
d’utilisation
L’enregistrement
des conditions ambiantes, la recherche documentaire et les discussions avec les
personnes gérant le domaine ont permis de définir ces conditions
d’utilisation :
Pression mesurée : relative
Étendue de mesure : 10 – 400 bar
Accélération de la pesanteur :
9,78029 m.s-2 ±
5.10-4 m.s-2
Pression atmosphérique : 1010 hPa ± 20 hPa
Température du local :
23 °C ± 2 °C
Humidité relative : 55 % ± 20 %
Température piston/cylindre : 24 °C ± 3 °C
Fluide de travail : Azote
Différence de hauteur : 195 mm ± 40 mm
Ces conditions doivent être surveillées avec une attention particulière lors de toute mesure.
1.5.
Bilan
des sources d’incertitudes
Plusieurs niveaux d’incertitudes sont à mettre en évidence :
Ø Des incertitudes de niveau 1 dépendant de notre moyen (la balance manométrique, le couple piston-cylindre et les masses) et du milieu d’étalonnage. Ces incertitudes complètent le résultat de mesure de la pression générée : la balance, lorsque le piston est à l’équilibre, génère une pression de A bar avec une incertitude de ± α bar. [4]
Elles représentent la performance de notre laboratoire. Elles ne seront calculées qu’une seule fois après chaque retour de raccordement de l’étalon (sauf incident entre deux raccordements). Elles peuvent être regroupées dans le diagramme 5M (Moyen, Matière, Milieu, Méthode et Main d’œuvre) suivant :
Ø Des incertitudes de niveau 2 sont à mettre aussi en évidence. Elle proviennent de l’appareil à étalonner, de la méthode d’étalonnage (1, 2 ou 3 cycles de mesure) et bien sur des incertitudes de niveau 1. Ces incertitudes complètent l’erreur d’indication : le manomètre à étalonner a une erreur d’indication de E bar avec une incertitude de ± ε bar. Elles peuvent être regroupées dans le diagramme 5M suivant :
1.6.
Déroulement
du calcul d’incertitude
1.6.1.
Incertitudes sur la pression générée
par la balance – Composantes d’incertitudes
1.6.1.1.Incertitudes de Type A
Il n’y a pas de composante d’incertitudes évaluée de façon statistique dans le calcul d’incertitudes sur la pression générée. En revanche, lors de l’évaluation de l’incertitude pour l’erreur d’indication d’un appareil à contrôler, il faudra tenir compte de la répétabilité. [5]
1.6.1.2.Incertitudes de Type B
B.1 Répétabilité de la balance de pression
L’incertitude de répétabilité de la balance est estimée
lors de l’étalonnage. Le contrôle en pression a été réalisé en plusieurs
cycles pour certains points. La dispersion des résultats est exprimée en
calculant l’écart-type des écarts mesurés pour ces points et donne :
u1
= 4 Pa + 4.10-6.P
B.2 Incertitude due aux masses
Desgranges et Huot précise une incertitude élargie de ± 2.10-5.P provenant de la méconnaissance des masses pour la classe de précision S. L’incertitude-type sur la connaissance est par conséquent :
u2
= 1.10-5.P
B.3 Incertitude due à la sensibilité
L’incertitude-type de sensibilité des équilibrages est donnée dans le certificat d’étalonnage :
u3
= 59 Pa
B.4 Incertitude due à la section effective à pression nulle
Cette incertitude est également donnée dans le certificat d’étalonnage. (avec un facteur d’élargissement k=2)
u4(S0) = 6,3.10-5.S0
avec
u4
= 3,15.10-5.P
B.5 Incertitude due au coefficient de déformation
Cette incertitude est également donnée dans le certificat d’étalonnage. (avec un facteur d’élargissement k=2)
u5(λ) = 20.10-14 Pa-1
avec
u5
= 10.10-14.P2
B.6 Incertitude due à la température
En
tenant compte de la dilatation de l’ensemble piston-cylindre, la pression à
la température t s’exprime par rapport à la pression à 20°C à partir de
la formule :
La variance de la correction s’écrit donc :
Le piston et le cylindre sont en carbure de tungstène α=4,5.10-6 °C-1.
En considérant que la température
de l’ensemble est connue à ± 3°C près (avec une loi sinusoïdale), l’incertitude-type
correspondante s’écrit :
u6
= 1,9.10-5.P
B.7 Incertitude due aux coefficients de dilatation
La qualité des carbures de
tungstène peut légèrement fluctuer, le coefficient de dilatation est généralement
connu à 10% près (avec une loi normale)
Si l’on
considère que la température de l’ensemble piston-cylindre est de 24°C ± 3°C,
l’incertitude-type correspondante s’écrit :
u7
= 1,2.10-6.P
B.8 Incertitude due à l’accélération de la pesanteur
La correction pour tenir compte de la gravité locale gl
par rapport à gn, la gravité normale s’écrit :
La variance de la correction s’écrit donc :
Si on utilise le mode de détermination proposé par la norme NF X02 011 (l’accélération locale est fonction de la latitude et de l’altitude), l’exactitude de la gravité est de 5.10-4 m.s-2 (avec une loi normale),
L’incertitude-type correspondante s’écrit :
u8
= 1,7.10-5.P
B.9 Incertitude due à la masse volumique de l’air ambiant
L’incertitude
due à la masse volumique de l’air ambiant doit être calculée en fonction
des conditions d’ambiance. Le BIPM fournit dans sa recommandation
l’influence de chaque paramètre :
Les conditions d’ambiance sont :
Pression atmosphérique : 1010 hPa ± 20 hPa avec une loi normale
Température du local :
23 °C ± 2 °C
avec une loi arc sinus
Humidité relative : 55 % ± 20 % avec une loi normale
La correction prenant en compte la densité de l’air peut
s’écrire :
u9
= 9,2.10-6.P
B.10 Incertitude due à la différence de hauteur
Le fluide utilisé est de l’azote.
La correction de colonne de
fluide s’écrit suivant la formule suivante :
La variance correspondante est :
avec comme condition :
ρ : 1,25 kg/m3 ± 30 % avec une loi normale
gl :
9,78029
m.s-2 ± 5.10-4
m.s-2 avec une loi
normale
h : 195 mm ± 40 mm avec une loi normale
u10 = 0,3 Pa
B.11 Incertitude due à la masse volumique des masses
La qualité du matériau utilisé pour les masses peut légèrement fluctuer. Le certificat d’étalonnage des masses donne :
ρM : 7920 kg/m3 ± 100 kg/m3 avec une loi normale
La correction prenant en compte ce paramètre peut s’écrire sous la forme :
u11
= 6,3.10-7.P
B.12 Incertitude due à la verticalité [6]
Le réglage de la verticalité est effectué grâce à un niveau à bulle. L’angle de faux aplomb maximal peut être estimé à 2’, soit environ 6.10-4 rad à ±.6.10-4 rad avec une loi normale.
u12
= 1,2.10-7.P
B.13 Incertitude due à la dérive de la masse
La dérive est l’écart maximal observé entre deux étalonnages. L’incertitude-type liée à la dérive est égale à la dérive divisée par deux, de manière à retrouver pleinement cette composante dans l’incertitude élargie.
Après analyse des différents
certificats d’étalonnage des masses, on considère une dérive maximale
égale à 3.10-5.P.
u13
= 3.10-5.P
B.14 Incertitude due à la dérive de la section effective
Après analyse des différents certificats d’étalonnage,
on considère une dérive maximale inférieure à l’incertitude d’étalonnage.
On prendra donc l’incertitude-type correspondante à l’incertitude d’étalonnage
des masses (voir 1.5.2.3.)
u14
= 3,15.10-5.P
1.6.1.3.Détermination de l’incertitude composée
On déduit donc l’incertitude-type globale sur la pression générée à la base de l’appareil manométrique contrôlé :
En utilisant la méthode de la
corde,
1.6.1.4.Détermination de l’incertitude élargie
L’incertitude élargie U(P) est égale à l’incertitude composée multipliée par le facteur d’élargissement k=2 soit :
Elle
peut être reprise, pour plus de visibilité, dans le tableau suivant :
Pression générée (en bar) | 10 | 50 | 100 | 200 | 300 | 400 |
Incertitude élargie sur la pression générée (en bar) | 0,002 | 0,007 | 0,013 | 0,025 | 0,037 | 0,049 |
Incertitude
élargie en fonction de la pression générée
La connaissance de la pression générée a été largement
accrue car, maintenant, en plus de connaître la pression générée, nous avons
déterminé la confiance que nous pouvons avoir sur cette pression.
Ainsi, si nous générons une pression de 200,000 bars, nous savons que cette pression sera de 200,000 bars à ± 0,025 bar avec un niveau de confiance de 95 % (k=2).
1.6.1.5.Répartition des composantes d’incertitudes
Le calcul d’incertitude présente également l’avantage de quantifier et donc de mesurer l’importance des sources d’erreur. Cela peut permettre de définir des axes d’amélioration potentiels.
En reprenant toutes les composantes d’incertitudes, la répartition des sources d’erreur est la suivante :
Répartition des composantes d’incertitudes
Selon le graphique précédent, il serait judicieux, si on veut améliorer la mesure de :
Solution |
|
Connaître mieux la section effective |
Se tourner vers un laboratoire d’étalonnage du piston-cylindre ayant de meilleures incertitudes |
Dérive de la section effective (inférieure à l’incertitude d’étalonnage) |
Se tourner vers un laboratoire d’étalonnage du piston-cylindre ayant de meilleures incertitudes car pour cette composante, la dérive est inférieure à l’incertitude d’étalonnage (voir 1.1.7.2.) |
Dérive de la masse |
Diminuer la périodicité d’étalonnage |
Recherche de solutions pour améliorer la mesure
En remarquant que les sources d’erreur provenant de l’étalonnage du piston-cylindre sont majoritaires (19+19=38%), il serait judicieux de trouver un laboratoire d’étalonnage ayant de meilleures incertitudes.
Cependant, après analyse du besoin de notre laboratoire, nous pouvons décider
que le niveau d’incertitude est suffisant. Le raccordement du piston-cylindre
continuera à être réalisé par le laboratoire habituel.